Les éditeurs prédateurs : le côté obscur de l’Open Access

Mis à jour en septembre 2021

Qu’est-ce qu’un éditeur prédateur ?

Parmi les voies de publication en Open Access (OA), le modèle « auteur-payeur » s’est beaucoup développé. Dans ce modèle, l’auteur s’acquitte de frais de publication (APC – Article Processing Charges) ; la consultation est ensuite libre sur le web. La majorité des éditeurs scientifiques (Elsevier, Springer, etc.) le propose aujourd’hui, permettant ainsi aux chercheurs de diffuser leurs productions en OA tout en conservant les garanties de qualité et de visibilité le plus souvent attachées à ces revues.

Cependant, des dérives sont observées : des éditeurs acceptent et publient beaucoup de manuscrits, pour ainsi faire grossir leur chiffre d’affaire, au détriment de la qualité (peer reviewing peu rigoureux en particulier). Certains pratiquent des démarchages massifs auprès des scientifiques (spam) que ce soit pour soumettre un manuscrit, relire les articles ou encore être membre du comité de rédaction (pour des numéros spéciaux notamment). De nombreux éditeurs prédateurs de revues ou livres sont aussi des sociétés proposant des conférences prédatrices (source : Fovet-Rabot, C. 2021. Éviter les conférences prédatrices, en 3 points. Montpellier (FRA) : CIRAD, 4 p. https://doi.org/10.18167/coopist/0078).

Une note parue fin 2019 dans Nature (voir l’article : Predatory journals: no definition, no defence, Nature, 576, 210-212 (2019), https://doi.org/10.1038/d41586-019-03759-y) soulève la difficulté pour les auteurs de s’y retrouver et rapporte une initiative portée par une quarantaine de représentants de l’édition scientifique, d’institutions académiques, de bibliothèques, de financeurs de la recherche provenant d’une dizaine de pays. L’objectif est de proposer une définition partagée des journaux prédateurs : « Les revues et les éditeurs prédateurs sont des entités qui privilégient l’intérêt personnel au détriment de l’érudition et se caractérisent par des informations fausses ou trompeuses, un écart par rapport aux bonnes pratiques rédactionnelles et de publication, un manque de transparence et/ou le recours à des pratiques de sollicitation agressives et sans discernement » (traduction par Hervé Maisonneuve, blog Revues & intégrité, billet du 16/12/2019) ; ainsi que des critères qui font consensus pour les détecter : fausses informations, pratiques éditoriales discutables, manque de transparence, sollicitations agressives…

Ces pratiques sont largement dénoncées, mais que faire lorsqu’on est contacté par un tel « éditeur prédateur » (predatory publisher) ?

Exemple de message invitant à soumettre chez l’éditeur « Horizon Publishing » : EditeursPredateurs1

Comment les reconnaître et s’en protéger ?

Deux outils peuvent vous permettent de vous poser les bonnes questions :

Pour vous aider à savoir si une revue est fiable, la campagne Think Check Submit http://thinkchecksubmit.org/ recommande de vérifier différents points. Cette campagne est menée par des acteurs majeurs de la communication scientifique.

L’outil Compass to Publish, développé par une équipe de la bibliothèque de l’université de Liège, utilise une liste de critères quantifiée pour évaluer le degré d’authenticité de revues en Open Access exigeant des frais de publication (APC).
En renseignant un formulaire sur différentes informations liées à une revue (prévoir une dizaine de minutes pour faire les vérifications demandées), un degré d’authenticité lui sera attribué.

La méthodologie mise en place pour le calcul de ce score est détaillée sur le site : https://app.lib.uliege.be/compass-to-publish/pages/7/M%C3%A9thodologie.

Nous nous sommes inspirées de la liste Think Check Submit pour vous proposer les critères de vérifications suivant :

  • Est-ce que vous ou vos collègues connaissez la revue ? Avez-vous déjà lu des articles parus dans cette revue ?
  • Pouvez-vous identifier et contacter facilement l’éditeur scientifique ? Est-ce que son nom apparaît clairement sur le site de la revue ?
  • Connaissez-vous l’équipe éditoriale ? Sont-ils des scientifiques reconnus dans leur domaine ?
  • L’éditeur est-il membre d’une association d’éditeurs reconnue comme :
  • Est-ce que le processus de relecture par les pairs utilisé par la revue est clairement décrit ?
  • Les frais de publication (Article Processing Charges – APC) apparaissent-ils clairement ? Est-ce que le site de la revue explique bien à quoi va servir le montant demandé et quand il sera débité ?
  • Les articles sont-ils indexés dans les services (bases de données bibliographiques Web of Science, Pubmed…) que vous avez l’habitude d’utiliser ?
  • La revue est-elle présente dans le répertoire des revues en accès libre (DOAJ) https://doaj.org/ ?
    • Le DOAJ maintient depuis le 1er janvier 2014 une liste des revues ajoutées ou retirées sur une feuille de calcul Google (liste accessible à l’adresse suivante https://doaj.org/faq#list).
    • Pour les revues retirées (onglet removed), les raisons sont précisées (« Revue n’est plus en OA, Revue inactive, N’a pas publié assez d’articles dans l’année, A cessé de publier, Site web ou URL ne fonctionne plus, Mauvaise conduite de l’éditeur suspectée, La revue n’adhère pas aux bonnes pratiques »).
      Par ailleurs, un « DOAJ Seal » est attribué aux revues démontrant une grande rigueur en matière de processus de publication (voir onglet added).

Qui peut vous aider ?

La vérification de l’ensemble de ces critères peut être longue et difficile. Nous vous invitons donc à vous rapprocher de votre documentaliste de proximité ou de notre service Question/Réponse https://ist.blogs.inrae.fr/questionreponses/ pour vous aider.

Le service Question/Réponse en IST répond en effet régulièrement à des demandes de chercheurs ayant été contactés par certains de ces éditeurs. Vous pouvez interroger le blog du service avec le nom de l’éditeur pour vérifier si une question le concernant a déjà été traitée.

Pour aller plus loin :


À noter

Pour vous aider à reconnaître les éditeurs prédateurs, nous vous recommandions auparavant de consulter le site de référence sur le sujet, animé par Jeffrey Beall, bibliothécaire à l’université du Colorado : http://scholarlyoa.com. Il y maintenait une « liste noire » des éditeurs et revues peu recommandables, et y publiait l’ensemble des critères sur lesquels il s’appuyait pour les qualifier.
Toutefois mi-janvier 2017, le site a disparu. L’université du Colorado a communiqué sur cette disparition : The University of Colorado Denver confirmed in a statement to CTV News Friday that Beall has “decided to no longer maintain or publish his research or blog on open access journals and ‘predatory publishers. (Source : http://www.ctvnews.ca/health/website-tracking-so-called-predatory-publishers-taken-offline-1.3251792).
Il est pour le moment encore possible de consulter une version archivée de cette liste : https://beallslist.net/
Mise en garde : le site a été copié avec une adresse similaire par un groupe appelé « Friends of Open Access ». Ce site contient de nombreuses accusations contre Jeffrey Beall http://scholarlyoa.net/beall_list.htm.
Certains sites parlant de la disparition du site de Jeffrey Beall, évoquent en remplacement l’éditeur Cabells https://www2.cabells.com/. Cabells est un ensemble de services payants pour les auteurs. Il propose notamment, une liste de journaux constituée à partir de critères de sélection propres, de la liste de Jeffrey Beall de 2014 et des journaux exclus du DOAJ et de l’OASPA.
Un groupe d’universitaires a créé le site Stop Predatory Journals https://predatoryjournals.com/, projet participatif ouvert sur une plateforme GitHub et proposant des listes d’éditeurs et de revues prédatrices. Ces listes sont accessibles gratuitement mais leurs responsables ont choisi de garder l’anonymat.